Pays d’origine : Turquie

Profession : avocate

Causes défendues : membre active de l’Association turque des droits de l’Homme (IHD), fondatrice d’un bureau d’aide juridique au profit des femmes violées ou abusées sexuellement par les forces de sécurité nationales dans les prisons turques, engagée dans la lutte contre les discriminations, le harcèlement sexuel et les exactions contre les minorités.

Eren Keskin est une avocate et militante des droits humains turque. Elle exerce en tant qu’avocate depuis plus de trente ans, et est une membre active de l’Association turque des droits de l’Homme (IHD), depuis sa création en 1986. En 1997, elle fonde avec d’autres femmes avocates, un bureau d’aide juridique au profit des femmes violées ou abusées sexuellement par les forces de sécurité nationales dans les prisons turques.

Eren Keskin critique ouvertement et depuis des décennies, les abus des autorités étatiques. En particulier, un discours prononcé il y a 11 ans, dans lequel elle avait accusé l’État turc d’avoir « massacré un enfant de 12 ans », Uğur Kaymaz tué en 2004 par l’armée, avait fortement irrité les autorités. L’avocate avait en effet affirmé que le meurtre de ce jeune garçon entachait l’histoire de la Turquie, et qu’à ce titre, l’Etat se devait de rendre des comptes.

Parallèlement, Eren Keskin s’est régulièrement élevée contre les exactions commises à l’encontre de la minorité kurde. Elle a de ce fait été accusée à de multiples reprises de « dénigrement de l’Etat turc » en vertu de l’article 301 du Code Pénal. En 1995, elle a passé six mois en prison uniquement pour avoir utilisé le mot « Kurdistan » dans un article. Elle a également été condamnée pour avoir publiquement dénoncé le harcèlement sexuel commis par l’armée à l’encontre de femmes kurdes. Les peines d’emprisonnement prononcées contre elle avaient cependant été commuées en amendes, qu’Eren Keskin a refusé de payer.

Le nombre de procédures engagées contre l’avocate en raison de son engagement en faveur des droits de l’Homme s’élève à plus de cent. Ce chiffre témoigne à lui seul d’un véritable harcèlement judiciaire. En plus de cet acharnement des tribunaux, Eren Keskin a eu à subir menaces de mort, et agressions physiques, ayant amené Amnesty International à mettre en place à plusieurs reprises des actions urgentes pour alerter l’opinion et les autorités sur sa situation.

En 2004, Maître Keskin a reçu le Prix de la paix d’Aix-la-Chapelle «pour ses efforts courageux et ses activités pour les droits de l’homme». En 2005, c’est le Prix Theodor Haecker pour courage civique et intégrité politique qui lui est remis. 

Or, récemment, à la suite de l’amendement en 2008 de l’article 301 du Code Pénal turc incriminant le « dénigrement de la nation turque», qui a rendu son usage dépendant de l’approbation du ministre de la Justice, le discours d’Eren Keskin dénonçant le meurtre d’Uğur Kaymaz lui porte à nouveau préjudice : L’aval du ministre de la justice ayant été obtenu, le dossier est de nouveau ouvert par les tribunaux en 2011. En décembre 2014, Eren est condamnée à dix mois de prison ferme. La cour a refusé de commuer la peine en amende, invoquant le caractère de l’accusée et ses précédentes condamnations, témoignant de sa « détermination à récidiver ».

Eren Keskin a fait appel de cette condamnation. En cas de confirmation, elle devra purger sa peine d’emprisonnement ferme.

Mobilisation internationale :

Amnesty International s’est mobilisé pour qu’Eren Keskin ne soit pas emprisonnée simplement parce qu’elle avait critiqué l’État (https://www.amnesty.org/fr/get-involved/take-action/w4r-turkey-eren-keskin/).

Elle est d’ailleurs l’une des dix personnes à soutenir dans la campagne 2016 d’Amnesty International «  10 jours pour signer ». 

Apportez votre signature: https://write.amnestyusa.org/cases/eren-keskin/.

Eren Keskin est également soutenue par plusieurs autres ONG (entre autres Frontline Defenders, IDHAE).

Situation des avocats en Turquie :

Depuis la tentative de coup d’Etat de juillet 2015, la Turquie vit sous l’état d’urgence, et est le théâtre d’une véritable purge de l’opposition par le pouvoir en place. Toute opinion dissidente est accusée de soutenir le camp des putschistes, et à ce titre incriminée. Les avocats et les journalistes sont particulièrement visés par cette « loi des suspects », et font l’objet de violations graves de leurs droits fondamentaux : menaces et arrestations arbitraires sont devenues particulièrement fréquentes.

L’Observatoire International des Avocats en Danger dénonce fermement le harcèlement mené de la part autorités turques envers les avocats, souvent accusés par les pouvoirs publics de sédition ou d’appartenance à des organisations terroristes pour le simple fait de participer à la défense – légale et légitime – de clients accusés eux-mêmes de sédition ou d’appartenance à une organisation terroriste.

Cette situation inacceptable a conduit l’Observatoire à participer à plusieurs audiences dans le cadre de procès intentés contre des confrères turcs, afin de rappeler que la communauté internationale des avocats ne laisserait pas passer inaperçu de telles violations des droits de la Défense.

L’Observatoire appelle les autorités turques à laisser Eren Keskin libre, et a une mobilisation internationale contre ces violations des principes de l’Etat de droit et des droits fondamentaux.